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soleil

17 mai 2006

Interview télérama rencontre avec Olivier Py

“Le théâtre est une révolte
contre le virtuel”

Cinq pièces, un tour de chant, un colloque : le printemps sera Py au théâtre du Rond-Point, à Paris. L’occasion de rencontrer un auteur-metteur en scène prolifique et provocant, homo mystique et catho poète, pour qui la scène est d’abord le lieu de la communion humaine.

Il ne redoute aucune outrance, affronte crânement ses désirs les plus extrêmes, s’affiche avec lyrisme catholique, homosexuel, poète. A 40 ans, Olivier Py, dramaturge-metteur en scène-acteur-chanteur-romancier-vidéaste (et patron du Centre dramatique national d’Orléans depuis 1998), est un de nos créateurs essentiels. Bien sûr, les très consensuels Molières ne célébreront pas, le 24 avril, cet insolent et mystique trublion aux allures d’adolescent diablotin. Les fringales d’absolu d’Olivier Py dérangent, déroutent. N’est-il pas capable d’écrire et d’orchestrer des spectacles de dix heures (La Servante, en 1995, Les Vainqueurs, en 2005), d’imaginer des scènes-fleuves, rutilantes d’amour et de plaisir, de souffrance et d’extase ? Py aime Claudel et Dionysos, vénère Christ et Orphée, sacralise la douleur et le verbe, chante l’archaïsme et le mystère. Il ose toutes les tentations, des pires aux saintes. Heureusement, le Théâtre du Rond-Point a décidé de rendre hommage plus d’un mois durant au lutin-démiurge. Avec sa métaphysique échevelée, ses phrases labyrinthes, sa flamboyance baroque, son goût de l’impur et du sacré mêlés et son humour potache, celui-là sait redonner la fièvre d’être au monde. Défier la tiédeur, enseigner l’intensité.



Télérama : Que cherchiez-vous au théâtre ?

Olivier Py :
A 8 ans, je m’imaginais assez bien prêtre, prostitué, bandit de grand chemin, couturier... et pourquoi pas musicien, dessinateur, politique... Le danger des gens qui ont trop de destins, c’est qu’ils finissent en général par n’en avoir aucun. Moi, au moins, je savais qu’il y avait deux lieux où je pourrais vivre plus brillamment que n’importe où ailleurs : le théâtre et l’Eglise.



Télérama : Votre famille est chrétienne ?

Olivier Py :
Mais on n’est pas conditionné par son anecdote ! Rien de ce qui me caractérise n’a d’origine. Tout m’est venu d’en haut. Ma vocation théâtrale, ma vocation religieuse. Mon homosexualité.



Télérama : A l’heure de la psychanalyse, une telle affirmation n’est-elle pas naïve ?

Olivier Py :
Aucun médiateur – homme ou femme – ne m’a conduit, moi, vers le Christ ou le théâtre. J’étais le fils unique d’un dentiste ; ma mère avait une boutique de mode. Ils m’ont eu très jeunes. Ils venaient d’Algérie, s’étaient installés à Grasse – j’ai même longtemps cru que c’était une « grâce » d’être né là-bas. Pas de bibliothèque à la maison, pas de disques, pas de sorties culturelles. J’étais un adolescent d’une mélancolie profonde, mais qui la travestissait avec talent. Bizarrement, il y avait ce mot – « théâtre » – qui nourrissait obscurément mes espoirs. Je ne savais pas ce que c’était ; du jeu, simplement... Les enfants fondent toujours un espoir dans le jeu. Simplement, à l’adolescence, il y en a qui n’arrivent pas à abandonner cet espoir-là. Vague, confus. Aujourd’hui encore, ma vision du théâtre n’est absolument pas culturelle. M’intéresse le théâtre « en soi » : la révélation du fait théâtral dès qu’il apparaît. Et, pour moi, aller dans une école voir des enfants qui font du théâtre n’est pas si différent d’assister à une représentation à l’Odéon.



Télérama : C’est quoi, le « fait théâtral » ?

Olivier Py :
La « présence réelle », comme disent les catholiques. Ils pensent en effet que l’hostie que le prêtre distribue au moment de l’eucharistie n’est pas symbolique, mais réellement le corps du Christ. Au théâtre, il y a aussi cette présence réelle. Mais des acteurs. Et dans un monde de plus en plus virtuel, où même à notre amoureux nous parlons la plupart du temps virtuellement – via le téléphone portable –, elle acquiert une force qu’elle a perdu partout ailleurs. On vient au théâtre pour confirmer que tout n’est pas virtuel.

Vous savez, je dois avouer que quatre ans d’études théologiques m’ont mieux permis d’approcher le théâtre que mes années de Conservatoire. Le mystère de la Trinité, par exemple – ce Dieu unique en trois personnes cosubstantielles, coéternelles, le Père, le Fils et l’Esprit saint : eh bien ! il permet au chrétien, contre toute raison, d’inscrire l’éternité dans l’instant. Le chrétien est celui qui ne sépare pas le temps de l’éternité. Comme le spectateur de théâtre.



Télérama : C’est dans ce souci mystique que, selon vous, vos acteurs « incarnent » et non « interprètent » ?

Olivier Py :
L’interprétation renvoie à une idée bourgeoise de l’humain, héritée de la télévision et du cinéma. Car la télé et le cinéma, c’est pareil, aujourd’hui : ils nous donnent à voir des êtres stéréotypés, nous démontrent à longueur d’images que nous sommes conditionnés politiquement, psychologiquement, socialement… Mais l’homme est beaucoup plus grand que ce qu’on voit à la télévision. Beaucoup plus fou que ce qu’on voit dans le cinéma français ! Il faut donc essayer d’inventer une autre manière de représenter l’humain. Quand les masques tombent, quand l’homme dynamite sa petite identité narcissique, communie avec l’humanité tout entière. Au théâtre, certains acteurs – ce ne sont pas les metteurs en scène, mais les acteurs qui font ça – nous rappellent qu’avant d’être pédé, femme, noir, pauvre ou riche nous sommes avant tout l’humanité.



Télérama : Le théâtre va-t-il devenir refuge ?

Olivier Py :
Il est trop minoritaire ! Même quand ses salles sont pleines, il ne fait jamais huit millions de spectateurs comme le journal télévisé. L’art n’est pas pour tous. Seuls les bourgeois décrètent que l’art est pour tous, parce qu’ils s’imaginent y avoir, eux, un accès direct... Mais c’est faux. Observez des enfants qui viennent pour la première fois au théâtre : il y en a toujours un qui pleure d’émotion et un autre qui s’ennuie…



Télérama : Et celui qui pleure d’émotion n’est pas forcément celui à qui des parents cultivés ont déjà parlé de théâtre…

Olivier Py :
C’est vrai que le petit-bourgeois pourra s’ennuyer et faire croire qu’il ne s’ennuie pas. Comme son papa et sa maman. Mais pas le vrai gamin ému.



Télérama : Quel est son avenir, alors ?

Olivier Py :
La révolte contre le virtuel ! La révolte du désir. Elle n’est pas écrite dans les sondages, les sociologues ne pourront jamais la percevoir : c’est la joie d’être là, en face de toi qui es là. C’est du théâtre. Et cette chose-là va devenir plus nécessaire que n’importe quel discours religieux et politique.



Télérama : Justement, le théâtre n’a-t-il pas renoncé à se battre pour les affaires de la cité, à résister ?

Olivier Py :
Mais c’est le politique qui a renoncé au politique ! Il est mangé par le médiatique. Pour mieux passer à la télévision, un politicien préférera toujours taire ses idées dérangeantes. Comment s’étonner que la politique française soit devenue ce mauvais vaudeville ? Les logiques dominantes sont désormais économiques. Il n’y a pas si longtemps, on accusait le politique de tous les maux, signe qu’il avait encore le pouvoir. Aujourd’hui, c’est le monde marchand qu’on accuse ; signe qu’il « est » le pouvoir. En plus, je crains que la position de « résistance » que vous évoquez ne soit nombriliste. Résister, c’est bien, mais ne suffit-il pas d’être là, à faire ce qu’on fait, pour cette minorité qui n’a pas honte d’être petite ? Insistons. Insistons. C’est suffisant. Ou alors il faudrait se croire encore capable d’agir directement sur le politique. Et plus personne n’y croit.



Télérama : Même votre génération d’auteurs-metteurs en scène, ces quadragénaires qui dirigent les centres dramatiques nationaux ?

Olivier Py :
Surtout elle, qui a été si narcissique... Pour nous, les subventions de l’Etat étaient du mécénat d’art : elles devaient garantir une liberté esthétique totalement dégagée des contraintes du monde marchand. Nous avons voulu ignorer le rôle civique qu’elles nous imposaient aussi.



Télérama : Pourquoi ?

Olivier Py :
Nous étions lessivés par la langue de bois des « pères » – les Planchon et autres – sur le « théâtre populaire » ! Le devoir civique devenu devoir artistique ! Nous nous rendions bien compte que ces prétendus discours héroïques tournaient à vide, quand ils ne servaient pas de prétexte ! Que le bon, le vrai théâtre ne s’adressait jamais aux masses, mais aux individus. Même quand Brecht prône un théâtre politique qui fasse réagir, qui « divise », il suggère un théâtre qui permette à tout individu de penser ses contradictions privées. Pas collectives. Pour nous, il était donc clair que la subvention était là pour faire de l’art et non se donner une bonne conscience citoyenne. Du coup, nous refusions le moindre rôle civique. Or, ça, je pense maintenant que c’est un dangereux malentendu. Nous devons absolument refonder l’idée de service public.



Télérama : Comment ?

Olivier Py :
En pariant sur l’excellence esthétique en même temps que sur un lien fort avec le public. La quadrature du cercle, en somme...



Télérama : Mais que peut être ce théâtre de service public, que vous affirmez forcément minoritaire ?

Olivier Py :
Il suffit que cette minorité ne soit pas catégorielle. Que des jeunes, des vieux, des pauvres, des riches, des bourgeois et d’autres se retrouvent dans une salle. C’est essentiel. Enfin, il y a « service public » quand le théâtre sort du spectacle.



Télérama : C’est-à-dire ?

Olivier Py :
Théâtre et spectacle sont Abel et Caïn, c’est-à-dire frères ennemis, indispensables l’un à l’autre. Fondamentalement, le spectacle est ce qui est pulsionnel, qui ne nous laisse pas cette liberté de nous diviser. Face à un spectacle, nous sommes souvent tous conquis. Face à du vrai théâtre, nous sommes au contraire divisés. Mais grâce à lui, justement, nos contradictions enfin deviennent supportables. Car le théâtre dénonce toujours le théâtre, nous rappelle qu’il s’agit de peinture et non de sang. Alors que le spectacle veut nous abuser. Le « bon » théâtre cherchera même à nous persuader que la peinture rouge est plus émouvante que le sang. Pourquoi ? Parce que nous ne sommes pas que pulsions, mais faits de mots, d’héritages, de paroles, de relations à l’autre, de songes. On n’est pas qu’un intestin et un sexe. On est aussi une bibliothèque.



Télérama : Etes-vous moderne, Olivier Py ?

Olivier Py :
Moderne au sens de la Renaissance, oui : je suis issu de l’humanisme. Moderne au sens du XXe siècle, non. Parce que cette modernité-là implique des ruptures, des brisures, une cassure entre les mots et les choses. Elle est faite de désespoir. Et sur ce désespoir-là, je ne peux plus danser librement. C’est très difficile de faire du théâtre moderne.



Télérama : Pourquoi ?

Olivier Py :
Mais parce qu’au théâtre on cherche sans arrêt à retrouver un geste éphémère. Chez les Grecs, Shakespeare, Racine... Et à travers ce geste même à ressusciter toute l’histoire du théâtre. Comment alors se contenter d’une avant-garde de forme ? D’autant que l’art, c’est terminé. L’art, c’était la subversion ; aujourd’hui, c’est un argument de marketing. Tout ce qui faisait la subversion plastique il y a vingt ans se retrouve aujourd’hui chez Benetton. La modernité est devenue l’alliée du monde marchand.



Télérama : Pensez-vous, comme on l’a beaucoup dit depuis le festival d’Avignon 2005, qu’il y ait une crise du théâtre ?

Olivier Py :
Mais c’est le contraire d’une crise ! Et les réactions des spectateurs et de la presse lors du dernier festival d’Avignon sont le signe de la santé du dialogue... On s’est enfin rendu compte qu’il y avait un fossé entre le public et les « opérateurs culturels », c’est-à-dire, pour faire court : vous, critique de théâtre, ou moi, metteur en scène, patron et programmateur de centre dramatique... A Avignon, le public possède encore cette conscience du rôle civique du théâtre que nous avons perdue ; il demande au théâtre de lui apprendre à vivre avec dignité, même dans une absence de sens généralisée. Il redoute que le festival devienne un objet de mode. C’est sain.

Si crise il y a, elle est plutôt du côté de la profession, divisée, atomisée. Les intermittents ne cessent d’être menacés par une société marchande qui se fiche d’eux. Les collectivités locales, qui s’investissent de plus en plus dans le culturel – et c’est bien ! –, réagissent souvent en bastions de potentats locaux ; elles n’ont pas compris que les esthétiques avaient explosé, qu’il fallait accueillir la création européenne, que l’écriture contemporaine était en plein essor : on monte bien moins de classiques ! A part ça, nous avons des institutions culturelles uniques au monde, qu’il faut se battre pour préserver. La France a la plus belle surface culturelle du monde, c’est le pays dans lequel il y a le plus d’émergence artistique. Et ne me dites pas que je suis de droite : j’ai voyagé. En Allemagne, en Suisse, en Angleterre, en Irlande, en Russie, aux Etats-Unis... Ne demandons juste pas au théâtre de faire pour le monde plus que du théâtre...



Télérama : C’est-à-dire ?

Olivier Py :
Le théâtre, c’est la quête de la joie. Mais attention : joie ne signifie pas gaieté, bonheur. J’appelle joie l’accession au sens. Au théâtre, le sens se donne, non à travers une réplique, mais par le seul fait d’être là.



Télérama : Comment faites-vous pour cultiver la joie dans le monde d’aujourd’hui ?

Olivier Py :
Je pourrais répondre : grâce au théâtre, mais ça serait une trop belle réponse. La vérité, c’est qu’il y a le travail. Tant que j’ai du travail, il y a un nous, « nous » travaillons. Je crois absolument à la force du travail. Pour confirmer que ma liberté existe, que la souffrance est un honneur, que j’y ai droit, mais que j’y ai droit pour un temps assez court…



Télérama : La souffrance est un honneur ?

Olivier Py :
Oui, la souffrance est un honneur. Oui, ça fait mal d’être en vie, mais quand même on nous a donné ce court théâtre, ce bref théâtre, à vivre. Alors, faisons-le, c’est ce que j’appelle le travail.



Télérama : Vous avez écrit une quinzaine de pièces, y voyez-vous un thème commun ?

Olivier Py :
Mon théâtre célèbre, convie sur le même plateau plusieurs théâtres : farce, satire politique, élégie, tragédie, vaudeville, drame bourgeois... Depuis Claudel, certes, l’idée n’est pas originale. D’autant qu’à travers toutes ces formes, ces masques, il s’agit toujours du journal d’une âme.



Télérama : La vôtre ?

Olivier Py :
Evidemment. Je me mets à écrire une pièce quand je pense avoir vécu une expérience spirituelle. Quelquefois elle passe par le Golgotha, quelquefois elle va retrouver Dionysos. Rien n’est résolu chez moi, c’est pour cela que je suis un homme de théâtre. Quand Claudel a résolu ses contradictions majeures, il a arrêté d’écrire du théâtre, il s’est consacré à l’exégèse... Tant qu’il y a chez un homme des oppositions – le spirituel, le sexuel, par exemple –, il reste dialectique, peut trouver deux personnages qui sont évidemment des figures de lui-même et… les faire dialoguer sur scène.



Télérama : En fait d’oppositions, vous vous dites davantage « poète » que « dramaturge ». Qu’est-ce qu’un poète ?

Olivier Py :
Un homme qui essaie de raccommoder l’unité perdue. Qui voit chaque objet non pas indépendamment – comme une marchandise –, mais comme appartenant à la totalité. Quand on observe dans leur compotier deux petites pommes du peintre-poète Chardin, ce ne sont en effet pas deux pommes qu’on voit : mais toute une présence du monde...

Le poète est celui pour qui être en vie est déjà une réponse. Un émerveillement. Car pour lui la présence du mal, du diable, n’enlève rien à la beauté du monde. Le poète ne porte pas de jugement moral. La beauté lui suffit. Et la pulsion de vie originelle. D’ailleurs, plus on est dans l’obscurité, mieux on voit la lumière.

A VOIR

“La grande parade de Py”, au Théâtre du Rond-Point, Paris 8e.

Mise en scène d’Olivier Py à partir de ses textes (excepté les contes de Grimm) : La Jeune Fille, le Diable et le Moulin et L’Eau de la vie,

des frères Grimm, du 25 avril au 25 mai ; Epître aux jeunes acteurs, du 26 avril au 28 mai ; Les Vainqueurs, du 29 avril au 28 mai ;

Illusions comiques, du 10 mai au 3 juin ; Chansons du paradis perdu, du 11 mai au 2 juin. Tél. : O1-44-95-98-21.

www.theatredurondpoint.fr

Propos recueillis par Fabienne Pascaud



Télérama n° 2936 - 20 avril 2006

py

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17 mai 2006

La Jeune Fille le Diable et le Moulin

Olivier PY – La jeune Fille le Diable et le Moulin

Personnages

LE PERE

LA MERE

LA JEUNE FILLE puis LA PRINCESSE

LE DIABLE

L’ANGE

LE JARDINIER

LE PRINCE

PREMIER SQUELETTE

DEUXIEME SQUELETTE

L’ENFANT

Scène 1

Au coeur de la forêt. On entend les oiseaux.

LE PERE : Je ne suis jamais venu ici. Pourtant je croyais bien connaître cette forêt si profonde, si obscure que mes paupières s’alourdissent. Je sens une grande fatigue. Je vais me reposer un peu. La tête sur cette pierre sèche. Je ne dors pas. Je ferme simplement les yeux.

(Les oiseaux se taisent.)

Le silence ! Ce silence m’a réveillé.

(Le diable apparaît dans son dos.)

Qui est là ? Qui est là, dans mon dos ?

(Il se retourne, mais le diable tourne avec lui.)

Non, personne.

LE DIABLE : Je suis là.

LE PERE : Qui a parlé ?

LE DIABLE : Ici.

Le père se retourne, le diable aussi.

LE PERE : Où ?

LE DIABLE : Toujours derrière toi.

LE PERE : Qui êtes-vous ?

LE DIABLE : On m’a donné bien des noms. Bruit d’orage. Poids de rien. Roi de ruse. Mord la foi. Oeil de trou. Avale qui pue. Mais aujourd’hui, « Celui qui est toujours derrière toi ».

LE PERE : Toujours derrière moi et chaque fois que je me retourne.

LE DIABLE : C’est un jeu.

LE PERE : Ca ne m’amuse pas.

LE DIABLE : Alors prends ce petit miroir et regarde par-dessus ton épaule.

LE PERE : Vous n’êtes pas très beau.

Le diable change de visage.

LE DIABLE : Tu préfères ce visage ?

LE PERE : Visage de crampe.

LE DIABLE : Encore un nom qui me va bien. (Le diable change encore de visage.) Et celui-là ?

LE PERE : Crampe de visage.

LE DIABLE : Homme qui rit de tout.

LE PERE : Il le faut bien.

LE DIABLE : Il le faut bien, tu dis cela avec tristesse.

LE PERE : Ma vie est dure

LE DIABLE : Tu es pauvre ?

LE PERE : Aussi pauvre que cette pierre qui m’a servi d’oreiller.

LE DIABLE : La pierre n’est pas malheureuse.

LE PERE : Qu’en savez-vous ?

LE DIABLE : On n’entend pas sa plainte.

LE PERE : Qu’en savez-vous ?

LE DIABLE : Crois-tu que l’argent console ?

LE PERE : Je le crois.

LE DIABLE : L’argent ne consolerait pas cette pierre.

LE PERE : Alors, cette pierre est idiote.

LE DIABLE : Je peux te rendre riche.

LE PERE : Je n’ai rien à donner en échange, je ne sais pas chanter, et je ne suis drôle que malgré moi.

LE DIABLE : Je ne veux qu’une chose.

LE PERE : Laquelle ?

LE DIABLE : Ce qu’il y a derrière ton moulin.

LE PERE : Qu’y a-t-il derrière mon moulin ? Mon vieux pommier ?

LE DIABLE      : Tu seras riche si tu jures de me donner, dans trois ans, ce qu’il y a derrière ton moulin.

LE PERE : Cela vaut peut-être la peine de sacrifier mon vieux pommier. Pourtant, quelque chose me retient.

LE DIABLE : Je te laisse le temps de réfléchir. (Un temps.) Alors ?

LE PERE : J’accepte.

LE DIABLE : Pour signer le pacte, cligne des yeux.

LE PERE : J’hésite encore.

LE DIABLE : J’attends. Un temps. (Le père cligne des yeux.) Tu as cligné !

LE PERE : Malgré moi !

LE DIABLE : Malgré toi !

LE PERE : Je ne sais pas, trop tard, c’est fait.

LE DIABLE : Oui.

LE PERE : Où êtes-vous ? Il a disparu. Il faut rentrer , la forêt est froide.

17 mai 2006

l'art et la manière d'expliquer le pluriel aux enfants

Leçons faites par les CM2

17 mai 2006

Les arts visuels

Dernière production Mai 2006

14 mai 2006

Olivier Py à l'école

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